Une guenon et une dame âgée

Je me suis souvenu pratiquement en même temps cet après-midi de deux épisodes de ma vie, des scènes auxquelles j'avais assistées à Toulon. Je vous les raconte ici, vous les laissant apprécier...

Première histoire -
Je me promenais à Toulon un samedi ou un dimanche, et je m'étais dirigé vers le Mont Faron qui surplombe la ville. Il y a là-haut un parc zoologique auquel on accède soit par voiture soit par téléphérique.
Pour quelques dizaines de centimes d'euros, je pris le téléphérique, contemplant de la cabine les pentes ravinées et caillouteuses qui bordent la route d'accès au sommet. Quelques carcasses de voitures calcinées plus tard, j'arrivai au sommet.
Je me dirigeai vers le zoo suffisamment vite pour que le porte-monnaie n'ait pas le temps de respirer entre le guichet du téléphérique et celui du zoo...Arrivé au zoo, je circulais entre les allées à fleur de roc, où je pus contempler d'incroyables félins, des lynx, des léopards, des panthères noires, etc.
Il y avait là des cages abritant des "petits singes", entendez des macaques, des babouins et des espèces de cette taille. Tandis que je contemplais un félin dans l'autre direction, je sursautai en entendant un cri déchirant, strident, suraigü qui résonnait dans tout le zoo comme dans un haut-parleur. Tout le monde se retourna vers la cage aux macaques d'où venait le cri désespéré, plus plaintif que celui d'un chien sur la patte duquel on aurait marché.
L'on voyait deux singes se battre une banane, l'assaillant avait clairement l'avantage sur le propriétaire et le frappait violemment. Ne comprenant pas trop ce qui se passait, sinon que deux singes se battaient, je demandai à un groupe de passants le fin mot de l'histoire :
"Hé bien", me répondit une femme trentenaire, visiblement écoeurée, "un touriste a donné une banane à un singe, vous savez, les bananes et les cacahuètes que l'on achète à l'entrée. Le singe qui a pris la banane est une femelle, et comme le mâle dominant du groupe n'a pas eu sa banane, il a tabassé la femelle pour lui prendre la banane".

Deuxième histoire -

C'était un matin ensoleillé de printemps, un peu frais, propice à toutes sortes d'activités constructives, comme s'occuper de son appartement, faire ses affaires "nutritives" et administratives (je les fais toujours dans cet ordre, sinon ça me coupe l'appétit), aller boire un coup au café d'en bas (si, si, c'est constructif, ça crée du lien social avec des gens équilibrés et cultivés, et ça met en sens la beauté de la Vie).
J'allais donc chercher ma baguette de pain à la boulangerie du coin. Je pousse la porte pour pénétrer dans un petit monde d'odeurs et de saveurs aux accents de beurre et de farine.
Devant moi, une cliente venait juste d'entrer avec sa quarantaine passée et, connaissant à l'évidence la boulangère, passa le bonjour traditionnel pour commencer l'échange des nouvelles et de la météo. Un instant distraite de la conversation, la boulangère regarda par dessus l'épaule de sa cliente pour annoncer "Ah, voilà Madame [untel]..." puis elle reprit la conversation. Je suivis son mouvement de tête pour me retourner, et je vis à l'entrée une femme brune aux cheveux noirs, de type un peu roumain, un peu moyen-oriental, qui faisait la manche juste devant la boulangerie.
Mais ce n'était pas elle dont parlait la boulangère, c'était cette vieille dame qui prit la poignée de la porte vitrée en passant devant la mendiante. A son passage, la mendiante bégaya quelques mots dans un français exécrable pour demander quelques sous.
La vieille dame, bien sous tous rapports, ayant fait sa vie, propre sur elle et bien éduquée, portait un imperméable beige et une paire de lunettes épaisses qui s'accordaient bien à ses cheveux blancs en boucles courtes et fatiguées. Elle s'arrêta dans son mouvement pour ouvrir la porte, et se tourna vers la mendiante pour lui tenir ce langage :
"Mais enfin, pourquoi venez-vous en France pour mendier ? Êtes-vous heureuse ici ? Regardez-vous !"
La mendiante se mit à fondre en larmes. Le ton se fit plus dur, plus coléreux, plus fort, plus lent pour mieux marteler les mots. Ça devenait "hard-rock" :
"Combien de fois faudra-t-il qu'on vous le dise, IL-N'Y-A-PAS-DE-BOULOT-POUR-VOUS-LES-ETRANGERS-EN-FRANCE !!"
La vieille dame se décida à entrer en bougonnant derrière moi. Je pris ma baguette et rentrai chez moi. C'était la première fois que je voyais pleurer une mendiante.

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